Attirée en premier par cette sublime couverture puis par les thèmes du roman : la nature, l’Irlande & le Canada, voyage & aventure, Histoire … ce roman s’est révélé être un coup de coeur !
Tout d’abord, tous les ingrédients espérés étaient bien présents.
Ensuite, je n’ai pas été surprise par le côté un peu rude du roman pour l’avoir lu en amont dans quelques critiques puis parce que, j’imagine, cela dépeint une certaine réalité. Outaouais est un roman très intéressant à lire puisqu’il nous offre à découvrir un point de vue — avec une histoire non édulcorée — peut-être un peu différent de ce que l’on imagine de l’exode au Canada ; il y a un petit côté western, bandits des quatre chemins, qui, une fois de plus, dépeint une réalité de la violence de l’Histoire.
Puis même si cette rudesse est l’un des aspects prépondérants du roman, on ne tombe pas dans le gore ni dans des descriptions violentes … .
Si j’ai donc aimé — contre toute attente (ce n’est généralement pas mon style de littérature) — ce caractère du roman … évidemment ce qui a fait toute la différence pour moi et fait que j’ai adoré m’y plonger, c’est la superbe plume de l’auteur Page Comann : notamment dans sa manière de décrire les différentes ambiances avec un petit côté décalé, original voire féérique par moment — dans une Irlande touchée par la famine et la pauvreté, la traversée en bateau et ses allures de piraterie, l’atmosphère des bas-fonds de villes canadiennes … puis bien sur des descriptions superbes de la nature, une transcription d’un émerveillement de la nature.
Avec une écriture pareille … je n’ai pas pu m’empêcher de noter plusieurs longs passages :
« Dans le fracas du bateau, dans le claquement des voiles, toujours ce violon languissant qui accompagne les morts jetés par-dessus bord. Entre ces bruits que plus personne n’entend surgissent des silences assourdissants. L’océan respire. Des nuages glissent dans le ciel, folâtrent autour du navire avant de s’effilocher et se regrouper vers l’horizon. »
« Tout ce qui l’entoure est un mélange d’émerveillement et d’inquiétude. La mort est là, dans la cale, mais le Carrick s’en moque. Ceux qui crèvent dans son ventre ne sont pas ses enfants. Ce brick se fiche des âmes qu’il transporte. Il les emmène ailleurs, sans se préoccuper de savoir si elles sont encore vivantes une fois débarquées dans ce Nouveau Monde dont elles ont rêvé.
Le vent refuse. »
« L’océan n’est pas un paysage, c’est une masse sournoise, sombre et ourlée de vagues qui se gonfle avant d’attaquer.
[…] après la sortie quotidienne des émigrants, le sempiternel rituel macabre. Celui du violon qui grince quelques notes pour accompagner les morts jetés dans les vagues. Le glas de la cloche du brick en guise d’oraison funèbre. »
« le crissement des raquettes dans la neige imite des coquilles de noix qui se cassent les unes contre les autres. Yepa, les poils chargés de boules de givre, trace la voie. Rien en ralentit son allure, ni les souches enfouies, ni les fossés qu’elle traverse. Au loin, le long brame d’un cerf troue l’opacité feutrée du décor. Un mâle rival lui répond. La chienne dresse les oreilles. Indifférente à l’appel de la forêt, elle saute, avec l’agilité d’un mouton, pour se dépêtrer de la poudreuse dans laquelle elle s’enfonce. »
« L’automne se pare d’un manteau d’hiver sans laisser le temps aux érables pourpres d’étaler la beauté de leurs ramures.
Les hommes avancent en file indienne au milieu d’un sous-bois traversé par un chemin forestier qui ne semble devoir s’arrêter qu’aux portes des enfers. Le pas lourd des chevaux martèle la boue. La crinière et l’encolure perlées de gouttes d’eau gelée fument sous l’effort des bêtes. Rien ne les dérange, ni le hurlement lointain d’un loup ni le grognement sourd d’un ours qui rebrousse chemin devant cet équipage transi de froid. »
« Au bout de deux longues heures glaciales, le noroît dégage le ciel de ses nuages et libère les rives du lac des Ravages de leur écrin brumeux. […] Devant lui [Martin], un calme tableau, azur et blanc immaculé, agrémenté çà et là par les touches vert sombres des épicéas et les courbes marron ocre des rochers en surplomb. Pas un bruit, sinon le chant profond et les claquements de la glace sous la neige. »
Article rédigé par Caroline Hugues
Je suis musicienne, passionnée de musique et d'écriture. Amoureuse de l'art et la culture en général mais aussi de la nature et de l'enseignement.
Je donne des cours de musique enfants en ligne - dès 4 ans - avec la formidable méthode ludique Mélopie : un apprentissage concret de la musique et du piano, à travers le jeu et la mnémotechnie grâce à des personnages attachants et un univers musical féérique.